Gillette Banne

Au meurtre!

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La première femme d’origine française exécutée pour meurtre en Nouvelle-France, Gillette Banne, est ma neuvième arrière-grand-mère du côté de ma grand-mère maternelle:

Banne, Gillette [décaïeule ou 9x arrière-grand-mère]
mère de Bertault, Élisabeth Thérèse Isabelle [nonaïeule ou 8x arrière-grand-mère]
mère de Laurence, Nicolas [octaïeul ou 7x arrière-grand-père]
père de Laurence, Jean-Baptiste [septaïeul ou 6x arrière-grand-père]
père de Laurence, Jean-Baptiste [sextaïeul ou 5x arrière-grand-père]
père de Laurence, Joseph [quincaïeul ou 4x arrière-grand-père]
père de Laurence, Joseph [quartaïeul ou 3x arrière-grand-père]
père de Laurence, Grégoire [trisaïeul ou arrière-arrière-grand-père]
père de Laurence, Mathias [bisaïeul ou arrière-grand-père]
père de *** [aïeule ou grand-mère]
mère de *** [mère]
mère de Lagacé, Sophie 

Gillette est née vers 1636 à Argences en Normandie, et fait la traversée de l’Atlantique vers 1649, l’une de quelques deux cent “filles à marier” qui arriveront de France entre 1634 et 1663. Certains sites donnent 1626 comme année de naissance mais il s’agit probablement d’une coquille répétée de site en site, puisque lorsqu’elle se marie à Trois-Rivières en 1649, son âge est donné comme 13 ans; son mari, Marin Chauvin, a 26 ans.

Elle a son premier enfant à l’âge de 14 ans, en septembre 1650, une fille qu’elle nommera Marie. Marin Chauvin meurt en juin 1651 et Gillette se retrouve veuve et mère à 15 ans. Le 27 juillet 1653, elle se remarie avec Jacques Bertault, mon neuvième arrière-grand-père, qui a environ dix ans de plus qu’elle.

Bertault est serrurier, maçon et fermier et Gillette possède un terrain à Trois-Rivières, à l’époque un bourg de moins de 500 habitants vivant en relative paix avec leurs voisins Atikamekw. Entre 1654 et 1662, Gillette donne naissance à six autres enfants, quatre filles et deux fils. Puis ces enfants se marient à leur tour: ses quatre premières filles se marient entre 1664 et 1671, à l’âge de 12 à 14 ans.

La quatrième fille, appelée alternativement Élisabeth ou Isabelle selon les documents d’époque, épouse Julien de La Touche, dit Latouche, le 12 août 1671—à 12 ans à peine. Latouche a 29 ans; originaire de La Rochelle, il est arrivé en Nouvelle-France en 1665 avec la compagnie Grandfontaine du régiment de Carignan-Salières et choisit de rester au départ la compagnie en 1668.

J’ai l’impression que Jacques Bertault se dépêchait de marier ses filles. Selon son témoignage, Latouche lui paraissait un bon parti mais Gillette était contre ce mariage. Bertault décide de faire les arrangements de mariage avec Latouche pendant que Gillette est  partie aider une voisine en couches. Élisabeth n’aime pas Latouche non plus mais elle obéit à son père.

Le nouveau gendre se révèle rapidement un cauchemar. Il est ivrogne, paresseux, jaloux et violent. Il est généralement trop saoul pour travailler et passe ses colères sur Élisabeth en la battant jusqu’au sang. Comme il ne gagne pas le pain du ménage, Élisabeth est forcée d’aller demander à manger chez ses parents. Avant longtemps, il se fait servir par ses beaux-parents et les menace physiquement.

Comme leurs efforts pour libérer Élisabeth de Latouche sont sans résultat, en mai 1672 Jacques Bertault et Gillette Banne décident de se débarrasser de lui. Gillette récolte une plante qui est assez toxique pour tuer les cochons qui la mangent, et en fait une soupe qu’elle sert à Latouche, mais il ne montre aucun signe de d’empoisonnement.

Le lendemain soir, les choses tournent au pire. Gillette confronte son gendre dans la grange et ils échangent des injures, et bientôt des coups. Élisabeth est là mais paralysée de terreur. Bertault entend les cris, vient pour essayer de séparer sa femme et son gendre mais sans succès et se trouve entraîné dans la lutte. Gillette attrape une bêche et s’en sert pour frapper Latouche. Il commence à crier que ses beaux-parents le tuent. Des voisins témoigneront plus tard qu’ils entendirent des cris pendant plus d’une heure et demie. Bertault et Banne se débarrassent du corps en le jetant au fleuve.

Quand le jour se lève, les voisins et des amis viennent à la recherche de Latouche; Gillette et Élisabeth se cachent dans les bois. Quand les amis de Latouche visitent la grange des Bertault, les trace de lutte et du meurtre sont claires. Ils alertent les autorités, et Jacques Bertault est arrêté.

Louis de Godefroy, procureur fiscal à Trois-Rivières, commence par interroger Nicolas, dix ans, le plus jeune des enfants Bertault, qui raconte le départ de ses parents et que Gillette avait souvent dit qu’elle tuerait Latouche. Jacques Bertault nie le meurtre, explique le sang dans la grange en disant qu’il avait nettoyé un esturgeon, et dit que les témoins contre lui lui veulent du mal.

Le lendemain Gillette et Élisabeth sont trouvées dans les bois, capturées et interrogées. Elles racontent la querelle et la disposition du corps. Le procureur confronte Jacques Bertault avec leur témoignage et Bertault confesse. Tous trois sont conduits à Québec pour comparaître devant le lieutenant civil et criminel de la Prévôté de Québec. Gillette et Élisabeth donnent essentiellement le même témoignage, tandis que Bertault tente de rejeter le blâme sur sa femme, disant qu’il ne faisait que lui obéir.

Jacques Bertault est condamné à avoir ses membres brisés avec une barre de fer sur la croix de Saint-André puis à être étranglé (le bourreau brise le bras droit de Bertault, l’étrangle à mort, puis brise le reste des membres du cadavre), et Gillette Banne est condamnée à être pendue. Vu son jeune âge, Élisabeth aura la vie sauve mais est condamnée à assister à l’exécution de ses parents, la corde au cou  et nue en chemise jusqu’à la ceinture, à genoux. L’exécution publique a lieu le 9 juin 1672 à Québec.

Un an plus tard, Élisabeth se remarie le 6 novembre 1673, cette fois avec mon ancêtre Noël Laurence, 26 ans, lui aussi un soldat du régiment Carignan-Salière, Compagnie de La Fouille et veuf sans enfants. Ils auront au moins six enfants, le premier né le 1er novembre 1676 et donc quand Élisabeth a 17 ans. J’aime à penser que Noël Laurence éprouvait peut-être de la compassion pour ce qu’elle avait vécu.

Comme on peut le deviner, toute ma sympathie est avec Gillette Banne et sa fille Élisabeth, qui ont subi des choses terribles dès leur jeune âge. Julien Latouche et Jacques Bertault sont deux lâches et désagréables personnages.

Imaginez-vous la vie de Gillette, mise sur un vaisseau à l’âge de treize ans pour la pénible traversée vers la Nouvelle-France, isolée, mariée aussitôt arrivée, enceinte à quatorze ans, veuve à quinze. Imaginez la mettant ces filles au monde et voyant son mari les donner en mariage aussitôt que possible, même à un homme qu’elle voit bien pour ce qu’il est. Imaginez sa rage quand le mariage se fait derrière son dos, et que le gendre se révèle aussi affreux qu’elle l’avait pressenti, quand elle voit ce bon-à-rien brutaliser sa fille. Moi aussi j’aurais fait une bonne soupe à ce cochon.

Et imaginez la pauvre petite Élisabeth, qui à treize ans a été la victime de cet homme dégoûtant, l’a vu frappé à morts par ses parents, puis a vu ses parents exécutés en place publique tout en subissant le plus complète abaissement.

L’âge me frappe parce qu’à date ce sont les plus jeunes mariages que j’aie rencontré parmi mes ancêtres. Même à la même période, mes autres nonaïeules et décaïeules ont presque toutes au moins 17 ans à leur marriage, et la majorité ont plus de 20 ans. Je note que la dernière fille de Gillette, Marie-Jeanne, ne se mariera qu’à l’âge de 20 ans, en 1680. Est-ce parce que la réputation de la famille est ternie? Ou parce qu’il n’y a plus de père pour la vendre au plus offrant?

Liens


Murder!

(Here is the English version.) 

The first woman of French origin to be executed for murder in New France, Gillette Banne, is my ninth great-grandmother on my maternal grandmother’s side:

Banne, Gillette [ninth great grandmother]
mother of Bertault, Élisabeth Thérèse Isabelle [eighth great grandmother]
mother of Laurence, Nicolas [seventh great grandfather]
father of Laurence, Jean-Baptiste [sixth great grandfather]
father of Laurence, Jean-Baptiste [fifth great grandfather]
father of Laurence, Joseph [fourth great grandfather]
father of Laurence, Joseph [third great grandfather]
father of Laurence, Grégoire [second great grandfather]
father of Laurence, Mathias [great grandfather]
father of *** [grandmother]
mother of *** [mother]
mother of Lagacé, Sophie

Gillette is born around 1636 in Argences, Normandie, and crosses the Atlantique around 1649, one of about 200 “filles à marier” (marriageable girls) who will arrive from France between 1634 and 1663. Some sites give 1626 as her birth year but it’s probably a typo repeated from site to site, since when she gets married in Trois-Rivières in 1649, she is listed as 13 years old; her husband, Marin Chauvin, is 26.

She gives birth to her first child at 14, in September 1650, a girl she calls Marie. Marin Chauvin dies in June 1651 and Gillette finds herself widowed and single mother at 15. On July 27, 1653, she marries Jacques Bertault, my ninth great grandfather, about ten years older than her.

Bertault is a locksmith, mason, and farmer, and Gillette owns a plot of land in Trois-Rivières, then a burg of fewer than 500 inhabitants living in relative peace with their Atikamekw neighbours. Between 1654 and 1662, Gillette gives birth to six more children, four daughters and two sons. Then in turn these children get married: her first four daughters marry between 1664 and 1671, aged between 12 and 14 on their wedding days.

The fourth daughter, called both Élisabeth or Isabelle according to period documents, marries Julien de La Touche, called Latouche, on August 12, 1671—she is only 12 years old. Latouche is 29; originally from La Rochelle, he arrived in Nouvelle-France in 1665 with the Grandfontaine company of the Carignan-Salières regiment and chose to stay as a colonist when the company departed in 1668.

I get the impression that Jacques Bertault was in a hurry to marry off his daughters. According to his later testimony, Latouche seemed like a good match to him but his wife Gillette was against this union. Bertault decides to arrange the match with Latouche while Gillette is gone to help a neighbour who just gave birth. Élisabeth does not like Latouche either but she obeys her father.

The new son-in-law soon becomes a nightmare, drunken, lazy, jealous, and violent. He is usually too drunk to work and takes out his rages on Élisabeth, beating her bloody. Since he does not earn enough to live on, Élisabeth is frequently forced to go ask for food from her parents.  Before too long, Latouche demands that his in-laws serve him as a king and physically threatens them.

Since their efforts to free Élisabeth from Latouche remain fruitless, in May 1672 Jacques Bertault and Gillette Banne decide to get rid of him. Gillette harvests a plante that has proven toxic enough to kill pigs that graze it, makes soup out of it, and  serves it to Latouche, but he shows no sign of discomfort.

The next evening, things take a turn for the worst. Gillette confronts her son-in-law in the barn, and they trade insults and soon blows. Élisabeth is there but paralyzed with terror. Bertault hears the shouting, comes to try to separate his wife and his son-in-law, but fails and is dragged into the fight. Gillette reaches a hoe and uses it to hit Latouche, who starts to yell that his in-laws are killing him. Neighbours later report that they heard shouting for an hour and a half.  Bertault and Banne get rid of the body by throwing ir in the powerful St. Laurence River.

When daylight returns, neighbours and friends of Latouche comme to look for him; Gillette amd Élisabeth hide in the woods. When Latouche’s friends look into the barn,  visitent la grange des Bertault, they find clear signs of the fight and killing. They alert the authorities and Jacques Bertault is arrested.

Louis de Godefroy, fiscal attorney in Trois-Rivières, begins by questioning Nicolas, aged 10, the youngest of the Bertault children, who relates his parents departure and says that Gillette had often said she would kill Latouche. Jacques Bertault denies the murder, explains away the blood in his barn by saying he had cleaned a sturgeon, and claims the witnesses wish him ill.

The next day Gillette and Élisabeth are found in the woods, captured, and interrogated. They describe the fight and the body’s disposal. Godefroy confronts Jacques Bertault with the discrepancy in testimonies and Bertault confesses. The three are taken to Québec City to appear before the colony’s highest authorities. Gillette and Élisabeth’s testimonies remain be consistent, while Bertault tries to put all the blame on his wife, claiming he was only obeying her.

Jacques Bertault is sentenced to have his limbs broken with an iron bar on a St. Andrew’s cross,  then strangled (the executioner first breaks Bertault’s right arm, strangles him to death, then breaks the body’s other limbs), and Gillette Banne is sentence to hang. Because of her young age, Élisabeth is not executed but is sentenced to view her parents’ execution, a rope around her neck, naked in a shirt to the waist, and kneeling. The public executions takes place on June 9, 1672.

A year later, on November 6, 1673, Élisabeth remarries, this time with my ancestor Noël Laurence, 26, also a former soldier of the Carignan-Salière regiment with La Fouille Company and himself a widower without children. They will have at least six children, with the first born November 1, 1676, so not until Élisabeth was 17. I like to think that maybe Noël Laurence had compassion for her and what she had been through.

As you might guess, all my sympathy goes to Gillette Banne and her daughter Élisabeth, who faced such terrible plights from an early age. Julien Latouche and Jacques Bertault are both cowardly, despicable characters.

Just imagine Gillette’s life, put on a ship at only 13 for the miserable crossing to New France, alone, married off as soon as she arrived, pregnant at 14, widowed at 15. Imagine her giving birth to these daughters and seeing her husband selling them off to be married as soon as he could, even to a man she saw for the human detritus he was. Imagine her rage when this deal is concluded behind her back, and the new son-in-law turns out every bit as awful as she had suspected, when she sees this feckless bully brutalise her young daughter. I too would have made special soup for this pig.

And imagine poor little Élisabeth, who by the age of 13 has been the property and victim of this awful man, saw him killed by her own parents, then saw these parents publicly executed while suffering the most abject debasement and terror.

I find their age striking because they are the youngest marriages I have found to date among my ancestors. Even during the same period, my other eighth and ninth great grandmothers are almost all at least 17 at marriage, and most are at least 20. Note that Gillette’s last daughter, Marie-Jeanne, will not marry until the age of 20, in 1680. Was it because of the family’s now criminal reputation? Or because her father is no longer there to sell her as a child?

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4 thoughts on “Gillette Banne

  1. Hi Sophie. Awesome article. Spellbinding. Our family is descended through Marie Gillette and her older daughter Suzanne. I notice in this or the other article I read on the mitochondrial DNA you note Elisabeth is the youngest married in your tree. I have about 10 or more 12-13yo married (and one 11yo (almost 12)). I do note many did not have children for several years, and as times moves into the 1700s, the women were older on average. One more recent descendent was married at 15. Often times I see the early marriages in instances when the father dies (and I assume the girl and often mother) needed support, especially the more recent ones. By the way, my great-grandmother was a Lagacé. Descended through a couple Davids in Sainte-Flavie. Let me if your tree intersects there. Again, thanks for the great information. Colleen

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